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La transition écologique est-elle encore finançable ? - La tribune de notre Directeur Général Thomas Labergère

« Le défi collectif de la transition écologique est sans précédent. Restons lucides sur les conséquences du coût de la transition, mais confiants et courageux compte tenu des atouts qui sont les nôtres », estime Thomas Labergère.

Les chiffres sont vertigineux et concordent quelles que soient les sources. D’ici 2030, la transition écologique requiert par an plus de 60 milliards en France, plus de 600 milliards en Europe et plus de 3,000 milliards dans le monde. Comment espérer réussir cette réallocation de capital sans précédent ? Faisons quatre constats. Et proposons quatre solutions. Comme souvent, la lucidité et le courage feront la différence. Pour commencer, il s’agit de dresser quelques constats simples, qui ne doivent plus faire débat, pour concentrer nos forces sur les actions essentielles à mener.  

1. La transition doit être la priorité. Le GIEC nous indique que noussommes sur une trajectoire moyenne de réchauffement de 3.2°C en 2100 sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN). Ceniveau est à comparer au 1.5°C, permis par une neutralité carbone à horizon 2050, au-delà duquel nous sauterons dans l’inconnue quant à notre capacité d’adaptation à ce niveau de température. Pour sauver la planète et nous avec, la transition doit l’emporter sur tous les autres objectifs contradictoires.

2. Le coût de la transition aura un effet négatif sur la croissance, aumoins à court et moyen terme. Le point d’équilibre de l’économie, sous unecontrainte écologique qui n’existait pas, est nécessairement dégradé parrapport à la situation d’avant où les externalités environnementalesn’étaient pas prises en compte. Regardons la réalité en face, et ayons le courage de l’expliquer pour qu’elle soit acceptée. Oui, certains s’enrichiront d’une nouvelle économie décarbonée, mais la croissance verte ne pourra pas compenser le coût social de la transformation majeure de l’économie.

3. Dès lors, la question est de répartir ce coût de manière juste eté quitable entre toutes les parties prenantes : le nord et le sud, les gouvernements, les entreprises, les actionnaires, les intermédiaires financiers et les citoyens. Les manifestations des agriculteurs en Europe illustrent plus le rejet d’un fardeau de la transition perçu comme injustement réparti, qu’une opposition de principe à la nécessaire adaptation. La montée des extrêmes se nourrit de cette perception d’une transition encore plus discriminante pour les plus fragiles. Le rapport Letta souligne le rôle clé du citoyen européen dans ce nouvel équilibre à trouver : « aucune réforme, aucune conception innovante, aucun progrès réel nesera possible, compris et accepté sans la participation active et l’engagement véritable des citoyens ».

4. Le secteur privé doit supporter l’essentiel du financement dans un environnement où les États n’ont plus les moyens. Les pouvoirs publics peuvent réguler, inciter, mais ne peuvent que marginalement financer. Un élément clé, répété aux rencontres de l’Institut de la Finance Durable, est que les investisseurs privés acceptent des espérances de rendement plus faibles. Investir dans la transition nécessite, dans la plupart des cas, d’accepter un couple risque/rendement dégradé.

 

Une fois ces constats dressés, de quels outils bénéficions-nous pour agir et déployer les financements nécessaires ?


1. La première bonne nouvelle est que l’épargne française et européenne est disponible. La France fait partie des pays où le taux d’épargne est le plus élevé, essentiellement orientée vers l’assurance-vie, l’épargne réglementée, les dépôts. La capacité de financement nette du secteur privé en Europe s’élève à plus de 300 milliards, après déduction des déficits publics, ce qui représente près de la moitié des financements requis en Europe pour financer la transition. La matière première, le capital, est donc à disposition.

2. L’enjeu est donc de réallouer cette épargne vers des investissementsde transition en Europe, souvent plus risqués et plus longs, plutôt que d’assister passivement à la dérive de notre épargne vers d’autres continents ou vers des investissements peu productifs. Les récents rapports Letta et Noyer insistent sur le besoin d’une Union des marchés de capitaux et nous donnent des pistes intéressantes : création d’un produit d’épargne de long terme européen, harmonisation réglementaire et légale, garantie publique européenne.

3. Il est impératif de réconcilier la performance financière avec les externalités des dommages causés par les émissions de gaz à effet de serre. La CSRD permet de comprendre l’impact qu’ont les entreprises sur leur environnement en créant une base commune de reporting, et deviendra, on peut l’espérer, un outil d’aide à la décision pour faire évoluer les business models. Mais le seul moyen d’intégrer la performance extra-financière dans la prise de décision économique est bien d’intégrer le prix du carbone dans les prix de marché, et orienter ainsi les décisions desagents économiques vers des activités à bas contenu en carbone. Pour être efficace et ne pas créer de discriminations, cette approche doit être soutenue par un système de gouvernance mondial capable d’assurer et defaire respecter des conditions de concurrence équitables avec des règles bien définies.

4. La banque doit jouer un rôle clé dans la réallocation du capital enréinventant son mode de fonctionnement en matière de gestion de sonbilan, de ses risques et de ses clients. Aligner tout d’abord l’évolution desportefeuilles de prêts sur une trajectoire net zéro avec des objectifsintermédiaires contraignants et à l’appui des dernières méthodologiesscientifiques. Introduire ensuite dans les prises de décisions commercialeset de crédit le risque ESG avec une double matérialité: le climat étant un facteur de risque financier pour mon client, mais aussi mesurer sa contribution positive ou négative à une économie décarbonée. Enfin, construire et utiliser les plans de transition des clients pour s’engager auprès d’eux comme partenaire exigeant, quitte à sortir des relations avec ceux qui ne veulent pas coopérer. La finance durable, assise sur une traçabilité des fonds vers des investissements verts ou sur des objectifs ambitieux de performance ESG, peut être un outil au service de cet engagement.

 

Le défi collectif de la transition écologique est sans précédent : en termes de changement de nos comportements, de nouvel équilibre sociétal, de nouvelles solidarités, de réallocation de capital financier. Restons lucides sur les conséquences du coût de la transition, mais confiants et courageux compte tenu des atouts qui sont les nôtres.